10 ans de coopération


Mesure de notre impact

Dans la volonté de fermer un cycle avant d’en ouvrir un autre,
de faire un bilan pour affiner notre vision, sentir le ou les champs d’actions à explorer.

Cette étude d'impact a été réalisé en 2020, afin de mesurer les leviers et résultats de transformation de nos interventions auprès des participant·es de nos séminaires, organisations accompagnées et aussi auprès des membres qui ont travaillé et vécu l’aventure interne de l’UdN.


Juliette (en)quête

Un tour de 6 organisations accompagnées par l'Université du Nous : c'était avec Juliette en 2020.  De l’Armée du Salut à Décathlon, de la fédération des professionnels de Gestalt Thérapie à Enercoop, pour échanger sur les impacts de l'accompagnement et sur les évolutions qui en découlent.

Bilan de Juliette   

Impacts individuels

79 personnes ayant participé à, au moins, un séminaire ou un accompagnement, ont répondu au questionnaire. Le but est à la fois de déterminer les profils des participant·es et de mesurer l’impact des expériences chez les personnes et dans leur organisation.


Résultats de l’étude  

    Les écrits de Juliette

    Octobre 2019-Juillet 2020 :
    Juliette a mené l'enquête d'impact pour l'Université du Nous. 8 mois de rencontres et de questionnements, 2 articles partagés ici avec vous.

    Lire les articles

               Bilan de Juliette


            Les interviews réalisées

             
             

            Emmanuel Olivier - Armée du Salut

            Directeur d’établissements accueillant des personnes en situation d’exclusion sociale. Une plongée dans les débuts de l’Université du Nous.

             
             

            Emmanuelle Gilloots - Fédération française des professionnels de la Gestalt-thérapie

            Membre de la Fédération française des professionnels de Gestalt-thérapie, accompagnée par l’Université du Nous lors de deux assemblées générales.

             
             

            Adam Benelmouffok - Décathlon Entrepôt

            Logisticien sur le secteur Btwin, chez Décathlon logistics - au sein de l’entrepôt de Ferrières-en-Brie

             
             

            Valentine Coumert - Enercoop

            Coordinatrice du Pôle Energie, chez Enercoop, dans le cadre du projet de mesure d'impact de l'Université du Nous à l'orée de ses 10 ans, par Juliette Picardeau.

            Les témoignages recueillis


            Les articles rédigés

            Les écrits de Juliette - Article 1

            L’émergence et les débuts, des histoires d’accueil

            Dans ce premier article de la série Juliette (en)quête, Marion et François nous livrent leurs regards croisés sur l'arrivée d'un "je" à l'Université du Nous, qui résonnent avec ma propre arrivée au sein de l'association en novembre 2019 pour ce projet de capitalisation des 10 ans.

            Novembre 2019, Chambéry. Je débarque à l’Université du nous pour contribuer à la préparation d’un anniversaire. D’une certaine manière, je fais un peu office de petite-nièce qui aide au placement des invités. Ce qui est curieux, c’est qu’en 2010, au moment des balbutiements de cette organisation, que l’on s’apprête à célébrer, j’avais 15 ans, l’Université je n’y étais pas encore et le nous n’était pas encore érigé au rang de concept mais s’incarnait dans une pratique quotidienne, qui se lie, explose, et titube dans les méandres du lycée. 

             

            Un service civique ? Mais pour quoi faire ? « Capitaliser des expériences concrètes, mises en œuvre autour de la gouvernance partagée, pour les partager à tous·tes. » Concrètement, je rencontre des organisations accompagnées dans les dix dernières années par l’Université du nous pour avoir des retours sur l’évolution des postures, des outils, du faire-ensemble en leur sein et contribuer ainsi à la mesure de l’impact social de l’Université du nous.

            Cette idée de service civique germe au printemps dernier, avec l’envie de cheminer, de vadrouiller, d’aller rencontrer des organisations diverses. L’envie a été nourrie par un livre, Les sentiers de l’utopie, écrit par Isabelle Frémeaux et John Jordan, qui ont parcouru l’Europe pendant sept mois, à la découverte de onze projets collectifs. Chaque chapitre relate une tranche de vie partagée pour quelques semaines au sein d’un collectif, les questionnements en cours, les ambitions lourdes à porter, mais aussi les réparations de vélos, les tours de vaisselle, les potagers, les cercles de parole, et les réalisations farfelues. Depuis, je me disais qu’un jour moi aussi, je partirais à la rencontre d’organisations qui tentent et en bavent, d’individus qui se questionnent, de lieux qui construisent un ailleurs.

             

            Au début de cette histoire avec l’Université du nous, se cache aussi une grande curiosité pour les dynamiques de groupe, le faire ensemble, la déconstruction des dominations, la relation au pouvoir. En novembre, c’est avec joie et curiosité que je débute ces huit mois, qui je l’espère nourriront parallèlement mes questionnements personnels, et le bilan de ces 10 années d’existence et d’expériences.


            Accueil des nouveaux·elles arrivant·es autour d'un repas lors de l'Université d'été du Nous, vacances conscientes à Caussade, en juillet 2010 .

            Il est un soir de novembre où mon arrivée dans cette association rime avec accueil. Le cadre dans lequel je m’inscris est explicité à tou·tes et les langues se délient pour conter l’accueil. Chez François, ce soir particulièrement, une phrase résonne, qui fait naître un sourire. Lydia rit et François s’élance dans le récit. Caussade, juillet 2010, Olivier et François sont en route pour participer à des vacances collectives et conscientes,  « L’Université d’été du nous ». Nuit sur le bord de la route, arrivée en cours de route, et déroute face à l’atmosphère tendue après une altercation physique. C’est une drôle d’arrivée ce matin là, avec une incertitude : ces vacances sous le signe de l’expérience vont-elles s’arrêter à peine commencées ? 
             
            La journée se poursuit, guidée par les rencontres, la découverte d’outils d’autogestion, la foisonnance d’ateliers. Et vient le midi, le repas collectif, une grande tablée et Laurent, qui se lève, fait tinter son verre, créée le silence et prononce cette fameuse phrase : « La grande qualité d’un nous c’est de savoir accueillir ses je. Je nous présente Olivier. [Applaudissements] Je nous présente François. [Applaudissements] » Vague d’applaudissements, de sourires et de célébration. Joie, sentiment d’appartenance, et de considération. Force du groupe et de la capacité de valorisation des individus.


            « Je suis arrivée dans une phase de vide »

            Marion-2015

            2015 , année de l'arrivée de Marion (en bas à droite) à l'Université du Nous.

            Marion, elle, raconte une autre arrivée à l’Université du nous, la sienne, à l’été 2015, dans ce qu’elle décrit comme un « vide de l’accueil », une période où le départ de certains peinait à être accepté et l’arrivée des nouveaux était peu célébrée. Vide de célébration, vide d’accueil, vide de rituel.
             
            Comme elle l’écrira plus tard : «  En bonne "nouvelle", j'ai préféré me taire et faire avec... ou sans plutôt. Comme c'est difficile de se dire dans ses doutes, ses failles, sa vulnérabilité quand on arrive dans un nouveau groupe ! J'avais peur d'être insatisfaisante, pas à la hauteur et surtout je ne voulais pas "déranger"... J'étais aspirée dans ce nous équipe dont je ne connaissais ni les "je", ni les règles du "jeu". Ça tanguait fort en moi et je n'étais pas sûre d'avoir un gilet de sauvetage, mais j'ai choisi de continuer à voguer à leurs côtés et à ne pas lâcher. »

            Difficile de faire émerger la nouvelle communication de deux structures — l’Université du nous et la coopérative accompagnante qui prend son envol à ce moment-là — sans se sentir accueillie dans ce collectif en mouvement. Après une année de travail à distance depuis Nancy, elle participera enfin à un temps d’accueil collectif en bonne et due forme, et se verra attribuer un « grandes zoreilles », cet écoutant au service des membres et de leur intégration dans l’organisation. Rétrospectivement : « Au bout d'un an et demi, à l'arrivée de nouvelles recrues, l'organisation s'est rendue compte qu'elle était "passée à côté" de mon intégration. Sans reprendre toutes les étapes, certaines n'étant plus nécessaires avec le temps, j'ai pu enfin être accompagnée. Ça ne pouvait pas revenir sur les difficultés que j'ai rencontrées, mais cela m'a fait du bien. Enfin, l'organisation me reconnaissait et prenait soin de moi. »

            Un collectif, un processus d’intégration, des processus d’intégration

             
            «  Comment accueillons-nous des nouveaux membres, quelles sont les conditions contractuelles nécessaires à l’intégration des nouveaux ? Quels sont les prérequis, les étapes nécessaires pour intégrer l’organisation ? » Ces dernières questions sont issues d’une fiche pédagogique du MOOC Gouvernance Partagée, qui présente les éléments constitutifs d’un cadre de sécurité. Comme l’explique Lydia dans cette vidéo, c’est « un cadre constitué de règles minimales communes, auxquelles chacun·e sera engagé·e, afin de satisfaire notre besoin de limites claires dans lesquelles nous pouvons vivre en pleine liberté de croissance individuelle et collective ». Et le processus d’intégration est l’un des éléments à clarifier.

            En arrivant à l’Université du nous cet automne, j’ai vécu un processus d’accueil en plusieurs temps : celui des formalités légales avec la signature du contrat d’engagement, celui de la clarification du cadre et de mes missions – quelles horaires, quels outils, quel cadre relationnel ? — et enfin un temps plus festif en soirée, qui a été l’occasion de récolter ces témoignages d’accueil. Récolter des témoignages, plonger dans le passé, marquer le début et célébrer ce passage en service civique au sein de l’Université du nous. Une belle entrée en matière avant de plonger plus loin dans les souvenirs des dix premières années de cette association !

            Et oui, ces huit mois sont l’occasion de rencontrer des individus dans des organisations de tailles différentes, qui évoluent dans des contextes variés, de l’habitat groupé à l’entreprise aux 200 salariés, et peut-être de les entendre sur ce que cela implique d’accueillir de nouvelles personnes dans une structure qui fonctionne en gouvernance partagée. Comment faire part de ces règles « formelles »  qui régissent la structure, et comment partager également tout ce qui fait la culture, plus subtile, d’une organisation ? Comment célébrons-nous une arrivée ? Comment prenons-nous soin d’accueillir ce nouveau « je » dans le « nous » ? Et que dit de nous notre capacité collective d’accueil ? Les parcours d’entrée sont-ils aussi nombreux que les individus qui composent le groupe ?

            Et dans vos collectifs ? À vous lire !
             
            * François, Lydia, Laurent, Marion et Olivier sont des membres présents ou passés de l’Université du Nous.



            Les écrits de Juliette - Article 2

            Se préparer à aller à la rencontre d'organisations, considérations méthodologiques

             Un article qui apporte sans doute plus de questions que de réponses et qui retrace les débuts de cette étude d’impact, les questionnements, les choix méthodologiques : Qui rencontrer ? Dans quelle intention ? Et avec quel format ? 

             

            A la recherche de l’intention 

             

            Au début du projet « Juliette (en)quête », j’imaginais composer une enquête, au croisement d’une approche sociologique et des méthodologies d’étude de l’impact social soit « l’ensemble des changements positifs ou négatifs, attendus ou inattendus. ». Si vous voulez jeter un œil dans le monde de la mesure d’impact social, je vous conseille ce chouette article de Make Sense. Six mois après, j’ai beaucoup adapté – à l’Université du nous, ils diraient plutôt piloter dynamiquement – à partir des besoins et possibilités du moment (et du coronavirus !). Le choix s’est porté sur une approche qualitative, avec la décision de mener un projet plus quantitatif en parallèle. 

                        

            Avec ma curiosité sous le bras et cette envie d’aller rencontrer des structures engagées dans une transformation de leur mode de faire ensemble, j’avais la sensation d’être plutôt au clair sur mes intentions personnelles. Mais quels étaient les objectifs pour l’Université du Nous ? Lydia, 1ère Lienne de l’Université du Nous, a mis en lumière plusieurs aspects : nourrir le bilan des dix premières années d’existence de l’association, pour fermer un cycle avant d’ouvrir le prochain. Concrètement, comment est-ce que les accompagnements de l’Université du Nous sont venus impacter les organisations, les individus, les relations ? Et comment déployer des actions futures en ayant une lecture de l’impact passé ?

             
             

             

            Lydia Pizzoglio et Laurent Van Ditzhuyzen présentent la démarche d’étude d’impact menée par l'Université du Nous à l'occasion de ses 10 ans.

            Affiner les choix, les questionner et communiquer avec humilité

            Les bénéficiaires de l’Université du nous sont nombreux : les membres passés et présents de l’Université du nous eux-mêmes – qui feront l’objet d’un prochain article –, les participant·es aux différents séminaires proposés et les organisations accompagnées par l’Université du nous puis par la coopérative Hum!, issue de l’Université du Nous. De mon côté, je me focalise sur les organisations accompagnées. Une collecte de retours à destination des participant·es aux séminaires est également lancée et pour y répondre c’est par ici ! 

            L’intention de départ posée, s’ouvrent les autres champs de questionnement, de la construction d’une grille d’entretien semi-directif aux choix des structures rencontrées. Quels mots employer lors des entretiens ? Si le langage structure la pensée, comment éviter de poser des questions que la personne ne se pose pas ou dans des termes qui ne sont pas les siens ? Comment je me présente lorsque je vais assister à des réunions de professionnels au sein d’une multinationale ou dans un habitat groupé ? Et comment créer de la confiance avec les personnes qui acceptent de partager ce qu’elles vivent lors d’un entretien ? J’entends en toile de fond les propos de Florence Weber  & Stéphane Beaud dans leur Guide de l'enquête de terrain: produire et analyser des données ethnographiques, qui a contribué à me donner de l’ancrage : 


             « Chacun de vos interviewés exprime, pour vous, dans le cadre de cette interaction particulière, un point de vue singulier. Plus vous ferez apparaître la singularité de ce point de vue plus l’entretien sera intéressant [...] » [1]

             

            Aussi, comment articuler ce travail de recherche entre la volonté de récolter des retours qui viennent questionner les pratiques, nourrir leur amélioration et en même temps le projet de communiquer sur cette mesure d’impact, de valoriser les retours. Comment communiquer en assumant les faiblesses, les passages à vide, les regrets qui composent l’expérience ? Comment communiquer en respectant la confidentialité exigée sur certains points par les interviewé·es qui partagent leur expérience au sein de leur structure ? Et finalement, comment communiquer avec humilité ? Je dois dire que je me sens un peu funambule !


            Mais qui vais-je aller voir ? Privilégier des discours dynamiques.

            En 10 ans, l’Université du Nous a eu le temps de croiser beaucoup de structures sur sa route : pas facile de faire des choix ! Malgré mes envies de rencontres innombrables, nous avons un choix à faire. Un choix qui prend en compte la volonté de récolter des retours au sein de structures variées, actives dans différents champs, avec des tailles de groupe différentes. Et qui concilie aussi ces critères avec ceux du temps à y consacrer, du coûts des trajets, de la faisabilité des distance et surtout de la réalité de la durée de retranscription d’entretien (qui parfois semble infinie). 

             

            Après recalibrage du projet, j’espère mener des entretiens notamment au sein de la coopérative Enercoop, d’un entrepôt logistique de Décathlon en Ile-de-France, d’une boulangerie coopérative Le Pain des Cairns à Grenoble, d’un centre d’hébergement d’urgence de l’Armée du Salut à Paris, d’Ecoravie, habitat partagé dans la Drôme, de la Fédération des professionnels de Gestalt thérapie, et peut-être d’un réseau associatif comme Transition Network. L’arrivée du coronavirus a mis un coup d’arrêt aux déplacements et rencontres en présentiel : une nouvelle réadaptation !

            Une autre question clef : comment choisir les personnes interviewées au sein des structures ? Après un échange avec Mathias Lahiani, actif au sein du Laboratoire d’engagements qui travaille notamment sur la mesure d’impact, je décide de privilégier des discours dynamiques, et donc de rencontrer des personnes qui étaient dans la structure avant l’accompagnement et peuvent  témoigner des évolutions. Je me mets aussi en quête de différent points du vue au sein d’une même structure : quelle peut être par exemple la différence de vécu entre la direction historique qui a initié ce nouveau mode de faire ensemble et l’équipe qui n’a pas vécu la phase de choix de cette nouvelle dynamique ? 

             

            Après réflexions et échanges, nous avons fait le choix d’essayer de composer un panel qui soit divers en terme de genre, d’âge, de rôle et de statut au sein des structures. A ce jour, les personnes rencontrées sont majoritairement dans des fonctions de direction ou d’encadrement. Je prends en compte ce biais dans mon travail de synthèse et tente d’élargir le panel. Avoir ces interrogations en tête et les pistes de réponses variées que je peux y apporter me permet, je l’espère, de prendre du recul sur la démarche tout en la menant à bien ! 

             

            Cet article fait partie de la série Juliette (en)quête et a été rédigé en avril 2020.



            [1] Beaud & Weber, 2017, p.157